Green bonds : faut-il investir dans les obligations vertes ?

Faut-il investir dans les obligations vertes ? (green bonds)

Émises pour la première fois en 2008 par la Banque mondiale, les obligations vertes (“green bonds” en anglais) connaissent un fort engouement. Même si elles n’ont représenté que 3 % du total des emprunts obligataires mondiales, ces émissions ont atteint un montant cumulé de 1000 milliards de dollars en 2020. Rien que pour cette année, leur somme devrait atteindre 650 milliards de dollars, selon les estimations de la société de cotation financière Moody’s. 

En Europe, plusieurs pays comme l’Allemagne, la France et les Pays-Bas ont récemment émis des obligations vertes souveraines. De nombreuses multinationales des secteurs de l’énergie leur ont emboîté le pas.

Quels sont les ressorts de ce succès ? Voici quelques clés pour mieux comprendre ce phénomène.

Que sont les obligations vertes (ou “green bonds”) ?

Les obligations vertes sont des titres financiers représentatifs d’emprunts émis pour financer des projets favorisant le développement durable. En théorie, les obligations vertes promettent donc aux investisseurs qu’ils peuvent gagner de l’argent en investissant dans des projets bons pour la planète.

En 2014, l’International Capital Market Association, un groupe de banques internationales privées a établi les Green Bond Principles (GBP)[1]. Ce faisant, elle a jeté les bases de ce qui définit une green bond. Ces GBP sont encore à l’heure actuelle la norme la plus importante en la matière.

Selon ces principes, une obligation verte est “une obligation dont le produit de son émission est utilisé exclusivement pour financer ou refinancer, pour partie ou en totalité, des projets verts nouveaux et/ou en cours, et qui respecte les quatre principes-clés énoncés dans les Green Bond Principles.

Ces 4 principes portent sur :

  • l’utilisation des fonds,
  • la sélection et l’évaluation des projets,
  • la gestion des produits de l’émission,
  • et le reporting.

Des recommandations, mais pas d’obligations

En général, lorsqu’il émet un emprunt obligataire classique, l’emprunteur justifie cette émission en invoquant des objectifs opérationnels. Cependant, les fonds levés dans le cadre de cet emprunt obligataire peuvent aussi avoir des utilisations purement financières, sans rapport direct avec son activité principale. Ils peuvent être employés pour racheter ses propres actions ou pour rembourser des dettes, par exemple.

Les obligations vertes promettent aux investisseurs d’échapper à cette possibilité, car l’émetteur s’engage à consacrer les sommes recueillies au financement de projets offrant un “bénéfice environnemental”, parce qu’ils promeuvent des technologies vertes ou favorisent la protection de l’environnement.

Mais les GBP ne sont que des recommandations dépourvues de caractère contraignant. Autrement dit, les obligations vertes le sont lorsque les émetteurs les déclarent comme telles. Cette qualification n’est assortie d’aucune obligation juridique particulière.

Green Bonds : 50 nuances de vert

La promesse de financement de projets durables donnée par l’émetteur ne constitue qu’une déclaration d’intention et elle ne l’engage nullement sur un plan contractuel (juridique).

Cette absence d’obligations réglementaires est un facteur de “greenwashing” (traduit par “blanchiment écologique”). Il s’agit de la tendance de certains émetteurs d’obligations à exagérer le caractère écologique des projets financés.

En outre, l’investisseur d’une green bond ne bénéficie d’aucune prérogative de contrôle. Il ne peut vérifier que son investissement a été effectivement affecté à la promotion d’un projet écologique, ni que l’émetteur dispose d’une santé suffisamment solide pour mener ce projet à terme, par exemple.

Ainsi, la couleur verte de ces titres peut être assez élastique. D’autant que la notion de projet orienté vers un développement durable peut être contestable. Par exemple, on y rattache parfois le nucléaire.

Une autre illustration est fournie par la Chine, le plus grand marché d’obligations vertes au monde. En 2020, elle a exclu des obligations associées à l’exploitation du charbon “propre” et des centrales à charbon de la liste officielle des green bonds du pays, dans le but de mieux se conformer aux normes internationales. Auparavant, ces titres étaient donc étiquetés “verts”.

Pour ces raisons, de nombreux investisseurs rechignent encore à envisager ce type de placements.

“Greenium” : les green bonds sont-elles plus rentables ?

On peut enfin se demander si les projets centrés sur le développement durable permettent d’améliorer les performances des titres. Cela revient à s’interroger sur l’existence d’une “greenium”, c’est-à-dire d’un supplément que les investisseurs seraient prêts à payer pour détenir une obligation verte, plutôt qu’une obligation conventionnelle similaire dans ses caractéristiques.

Dans son étude de 2020 intitulée “Are Green Bonds Just Another Financial Fad or Ar ad or Are They Here to Stay ?”, le chercheur Saloni R. Wadhwa[2] s’est attaché à répondre à cette question.

Mais même s’il observe la présence d’un tel spread de taux entre 2010 et 2014, il constate qu’en 2015, l’écart était dans l’autre sens. 

Il semble donc qu’avec la banalisation des green bonds, les marchés financiers manifestent un comportement de plus en plus rationnel. L’association au développement durable n’influence pas leurs décisions, toutes choses égales par ailleurs.

Et c’est tout à fait logique, car sur le plan financier, rien ne distingue les obligations vertes des obligations conventionnelles. Comme ces dernières, leur valorisation dépend de leurs caractéristiques financières intrinsèques, et notamment du risque de crédit associé à leur émetteur. 

L’engagement de respect d’un objectif durable ne confère pas non plus de valeur supplémentaire à l’obligation verte. Leurs détenteurs ne bénéficient pas de droits supérieurs à ceux des possesseurs d’obligations classiques émises par le même émetteur. En cas de défaut d’un emprunteur, tous seront affectés de la même manière.

De même, les possesseurs de green bonds ne peuvent prétendre à une compensation quelconque s’il s’avère que les fonds levés ne sont pas utilisés conformément aux promesses de l’émetteur.

Le couple risque-rendement d’une green bond est donc identique à celui d’une obligation conventionnelle émise par le même emprunteur et présentant les mêmes caractéristiques financières.

Le développement durable, c’est bien, mais les investisseurs privilégieront toujours la rentabilité. Et ce constat vaut pour les investisseurs institutionnels comme pour les particuliers. Toutefois, à caractéristiques égales, il est plus valorisant d’opter pour des projets plus respectueux de l’environnement.

Les green bonds qui se conforment bien au GBP sont donc vouées à recueillir le succès des investisseurs, comme le montre la forte demande recueillie par les lancements d’emprunts verts français[3] et allemands, entre autres. 

Après l’été le plus chaud jamais enregistré, les obligations vertes ont le vent en poupe et il ne fait aucun doute qu’elles sont bien plus qu’une mode passagère.

C’est visiblement la conviction de la Commission européenne. Le 6 juillet dernier, elle a publié un projet de règlement destiné à créer une norme européenne pour encadrer les obligations vertes, l’European green bond standard (EGBS). Selon le commissaire aux services financiers, cette norme ambitionne de devenir un “étalon-or”, la norme de référence qui supplantera les GBP. Pour mémoire, pas moins de 30 % des 750 milliards d’euros empruntés dans le cadre du plan de relance pour l’Europe l’ont été sous la forme d’obligations vertes.


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